Dans un exercice démonstratif d’une grande clarté expertale, NDOUMBE Marcelin Nya Mulimba apporte des éléments de compréhension précis face aux velléités hégémoniques de nos voisins MPO’O et MBOG.
Soulignant la spécificité des Malimba et des Pongo-Songo, l’auteur propose un cadre alternatif de redécoupage aux défenseurs d’une « grande Sanaga-Maritime » tronquée et truquée.
Lisez plutôt cet extrait du quotidien LE MESSAGER du 23 Juillet 2020
PROJET DE CREATION DE LA REGION DE LA SANAGA-MARITIME :
Tares, faiblesses, regard prospectif sur un conflit d’hégémonie en devenir
Depuis bientôt trois décennies, certaines communautés de notre pays réclament de nouveaux découpages administratifs ou de nouvelles régions. Cependant, nous remarquons avec force et désolation que ces revendications ne s'appuient sur aucun fondement culturel, sinon sur une base essentiellement ethnique, malgré le fait que cette chirurgie tribale ne puisse se faire sans englober d’autres communautés aux origines différentes. Tant il est vrai que de nombreux brassages liés aux migrations, aux unions et aux accidents de l’histoire ont créé une proximité, un voisinage et une relative acceptation de l’autre.
Faut-il remettre tout cela en question au moment où, presque partout dans le monde, l’heure est aux grands regroupements ?
LA SANAGA MARITIME EN QUESTION.
A l’origine était la « Grande » Sanaga Maritime qui abritait les communautés Bassa’a, Bati, Elog Mpo’o (Bakoko), Ndonga, Pongo Songo et Malimba. Avec l’évolution récente des découpages administratifs, la « Grande » a éclaté, laissant place à deux départements, la Sanaga Maritime (Région du Littoral) avec les mêmes entités ethniques ci-dessus et le Nyong et Kellé (Région du Centre) avec une partie de la communauté Bassa’a.
En plus simple, on retrouve quatre communautés, notamment : Bassa’a, Bati, Mpo’o, Sawa.
Le peuple Bassa’a pose donc le problème de la dislocation de leur communauté et de son éparpillement dans plusieurs régions du Cameroun parmi lesquelles : le Centre, le Sud, le Littoral, le Sud-Ouest, et propose la création sur une base tribale d’une région de la « Grande Sanaga Maritime ». Ces derniers s’appuient sur trois communautés aux origines et cultures voisines d’après eux et qui, disent-ils, sortiraient toutes de la grotte sacrée de Ngog Lituba : Les Bassa’a, les Bati, les Mpo’o.
A priori, on remarque dès lors, de par leur raisonnement, qu'ils excluent les Sawa que sont les Malimba et les Pongo Songo qui, eux, ne sortent pas de la grotte sacrée.
LA CREATION DE LA « GRANDE SANAGA MARITIME » RESOUDRAIT-ELLE LE PROBLEME DE LA COMMUNAUTE BASSA’A TEL QUE POSE ?
La réponse est négative. Il y aurait toujours les Bassa’a dans quatre régions : la Grande Sanaga Maritime (à créer), le Sud, le Littoral, le Sud-Ouest. On n’aura fait que sauter pour retomber sur nos pieds, à moins que le peuple Bassa’a (nouveau) se désolidarise des autres Bassa’a qui seront en dehors de la nouvelle région.
QUE DIRE DES MPO’O ET DES SAWA ?
Au sein de ce regroupement, les Mpo’o sont de loin la communauté la plus éparpillée. On les retrouve dans les régions du Sud, du Littoral, du Sud-Ouest et ailleurs, en évitant de réveiller d’autres susceptibilités liées à l’histoire des peuples. La transformation de la Sanaga Maritime en Région ne changerait en rien leurs problèmes de tous ordres, au contraire, Edéa qui est leur capitale naturelle et en même temps celle tout aussi naturelle du département et éventuellement de l’hypothétique Région serait l’objet de toutes les convoitises et batailles.
Les Sawa (Malimba et Pongo Songo) sont les minoritaires, les marginalisés et les laissés pour compte dans la grande réflexion des Bassa’a. Tout comme les Mpo’o, ils se retrouvent dans les régions du Sud, du Littoral et du Sud-Ouest. Leur situation en terme de représentativité et de reconnaissance s’aggraverait dans une Région à créer, les éloignerait et isolerait davantage de leurs frères de sang.
LES SPECIFICITES DES MALIMBA
Il faut à la vérité reconnaître deux choses :
1- Le Département de la Sanaga Maritime sans les Malimba n’est pas « Maritime » car la mer (l’Océan Atlantique) est à Malimba, entre l’embouchure du Nyong et l’estuaire du Cameroun (Wouri).
2- La Région du Littoral sans les Malimba n’est pas « Littoral » pour les mêmes raisons évoquées plus haut, le littoral est à Malimba.
En créant une Région de la Sanaga Maritime sans les Malimba, il faudra substituer un qualificatif à « Maritime ». A contrario, en y incluant les Malimba c’est la Région du Littoral qui devra changer de nom car elle n’aura plus de littoral. Dans l’un ou l’autre cas, on aura besoin des Malimba si on veut s’accrocher aux appellations.
Bien que minoritaires, les Malimba ont joué des rôles très importants dans le département, dans la région et dans le pays tout entière. Dussé-je rappeler les faits suivants :
- Les Malimba s’étaient opposés à la traite négrière et les comptoirs d’embarquement des esclaves s’étaient déplacés à Bimbia dans le Sud-Ouest.
- Les Malimba étaient les premiers à signer une convention avec les Européens (Français) le 19 avril 1883. Ce mauvais traité, fort heureusement n’avait pas été ratifié par le parlement français.
- Après l’échec de ce traité et à la suite de leurs frères Douala, ils signeront deux traités avec les Allemands en juillet et Août 1884.
- Les premiers martyrs de la côte, assassinés par les Allemands étaient Malimba : le roi EBOUE ETONGO (King Nyambé) et son fils, le prince héritier MBEKE EBOUE. C’était le 18 janvier 1890 à Malimba, c’est-à-dire près de 25 ans avant DOUALA MANGA et NGOSSO DIN dont le martyre a été reconnu. Cet assassinat a été à l’origine de la guerre Germano-Malimba qui a décimé la population Malimba.
- Le tout-premier maire de la ville d’Edéa était le Chef Supérieur des Malimba, DIKANDA Henri.
- Les auteurs-compositeurs de l’hymne de la Sanaga que tous les Sanaga Marins chantent en chœur sont Malimba : Philippe SEPPO A MOUKOKO et EKAM BODJONDE.
- Les Malimba ont mené de grandes campagnes d’évangélisation dans toute la sous-région, jusque dans le pays Bulu.
- Le pasteur JOCKY, un Malimba était le premier président de l’Eglise Evangélique du Cameroun et Martin ITONDO était l’un des principaux acteurs de la traduction de la Bible en langue Douala.
- Les femmes Malimba ont contribué à l’essor de la plupart des chefferies à Douala dont elles étaient les reines.
C’est donc ce vaillant peuple qui est ignoré dans les velléités de constructions régionales en cours, lui qui a pourtant son mot à dire et dont l’avis mérite d’être pris en considération.
QUE PENSENT LES MALIMBA ET PONGO SONGO ?
L’heure est aux grands regroupements. La multiplication des micros régions, de notre point de vue, ne résoudrait pas les problèmes. Une décentralisation efficiente permettrait de résoudre le problème posé par nos frères Bassa’a. Aujourd’hui, les Bassa’a du Wouri, du Nkam ou du Sud-Ouest se sentent-ils plus proches de ceux du Nyong et Kellé que de leurs voisins Sawa avec qui ils partagent depuis lors la culture et les patronymes ?
Les pistes de réflexion sont nombreuses s’il faut à tout prix regrouper ceux des Bassa’a géographiquement proches. On peut réfléchir à la création d’un grand département du Nyong et Kellé qui en plus des limites actuelles inclurait Ngwéi, Pouma, Massock, Ngambè, Ndom, Nyanon, etc… Ce nouveau département qui aurait un nouveau chef-lieu (Pouma par exemple) pourrait militer pour un rattachement, soit à la Région du Littoral, soit à celle du Centre.
Les SAWA de la Sanaga Maritime actuelle préféreront rester dans la Région du Littoral quels que soient ses nouveaux contours éventuels.
Marcelin NDOUMBE
Nya Mulimba