REFLEXION SUR L’AVENIR DE MALIMBA OCEAN. Par le frère Ndoumbè Marcelin
De gauche à droite, MM Bekoè Ngouba Christophe, Kutta Dooh Henri et Ndoumbè Marcelin lors de la première AG de Ilimbè Ilimbè à Edéa le 30 avril 2000
Un peuple, un territoire. Cette maxime s’applique-t-elle à la communauté de Malimba Océan, tellement elle est ballotée entre d’une part, l’impératif d’un espace vital à toute communauté, la nécessité de la préservation de la biodiversité et des écosystèmes fluviaux, marins, la mangrove et d’autre part les impératifs économiques nationaux dont la promotion de l’industrie du tourisme est un élément essentiel ?
A toutes ces contingences s’ajoutent les appétits des uns et des autres pour un paysage dont la beauté ne laisse personne indifférent. Qu’inspire donc aux natifs, occupants ou « propriétaires » des lieux, l’engouement autour des terres océanes de Malimba ? Quelles stratégies et attitudes devons-nous adopter?
De nombreux échecs ont jalonné notre parcours qui devraient susciter questionnements, remises en cause et réflexion :
· Conditions de l’assassinat du Chef Ebouè Etongo en 1890
· Echec de 1952 dans la sauvegarde des terres de Malimba
· Echec du projet de construction d’un village communautaire à Yoyo II
· Echec du projet d’immatriculation des terrains de Yoyo à Suellaba
· Echec de la dynamique unitaire qu’incarnait ILIMBE-ILIMBE et destruction de ses symboles.
· Etc….
Pouvons-nous conjurer cet esprit destructeur qui sommeille en certains d’entre nous et nous projeter vers un devenir commun meilleur ?
ENJEUX DE L’AVENIR
Deux périodes importantes ont marqué nos esprits :
Ø 1932 avec la création de la « réserve de faune de Douala-Edéa », aire protégée dans laquelle s’est retrouvé le territoire de Malimba Océan tout entier. Ce projet n’avait pas pris en compte les besoins des populations humaines existantes. Les Malimba naguère « propriétaires » s’étaient retrouvés sans terres.
Ø 2010 avec le projet de transformation de la Réserve en Parc National. Ce projet dont l’une des ambitions était la correction des insuffisances devait permettre aux Malimba de se retrouver dans un territoire dont les limites seraient connues et reconnues.
Ø 2010 encore avec le projet d’aménagement d’un Méga Complexe Touristique (MCT) dont les contours font fi des zones définies dans le Parc National et réservées aux populations locales.
Compte tenu de la situation actuelle, la création du Parc National et/ou celle du MCT semblent être les deux évolutions probables des projets dans la zone. Il convient donc d’en relever quelques aspects.
Parc National
Il sédentarise et sécurise les populations en délimitant leur espace vital. Il créerait des emplois dans les domaines du gardiennage, de la préservation des écosystèmes et des métiers du tourisme.
Il serait par contre contraignant pour les populations dans la mesure où il leur imposerait le respect strict de la réglementation en la matière.
Méga Complexe Touristique
Il s’agit d’un gigantesque projet dont le coût estimé est de 1500 milliards de francs CFA dont la réalisation sur une quinzaine d’années dépend des promoteurs et de l’Etat du Cameroun. Il procurerait de nombreux emplois pendant la phase de réalisation (environ 250 000) et aussi après celle-ci. 10 000 hectares de terrains (100 000 000 m²) soit 100 millions de mètres carrés sont sollicités pour ce projet.
Les Malimba doivent préparer leur « arrimage » au projet sinon ils assisteront en spectateurs au « dépeçage de l’éléphant » sur leur propre territoire.
Incertitudes sur le projet du MCT
La côte atlantique entre Mbiako et Suellaba est longue d’environ 37 kilomètres. Pour le MCT, les promoteurs veulent entre 21 et 27 kilomètres de plage. Il faut rappeler que leur besoin en terrains était passé de 6000 à 10 000 hectares. Le premier espace sollicité (6000ha) était long d’environ 15 km à partir de Mbiako et large d’environ 5 km. Pour le second (4000 ha en plus), alors que le promoteur voulait s’étendre sur la côte pour porter la longueur à 21 ou 27 km, la partie camerounaise avait proposé une largeur additive d’environ 3 km.
L’extension du projet en largeur plutôt qu’en longueur devait englober le village Eoumba et une partie de Moulongo (Bona Njoko).
Mécontentes, les Malimba avaient adressé un Mémorandum à Monsieur le Président de la République dont l’une des principales revendications était le maintien des populations autochtones des villages-souches (Eoumba et Moulongo) dans leur terroir.
Cette revendication qui, semble-t-il, aurait été prise en compte ferait aussi l’affaire des promoteurs : le fleuve Sanaga charrie une importante quantité d’alluvions que l’Océan renvoie sur la côte sur une longueur d’environ 10 km à partir de Mbiako, rendant les eaux troubles et impropres à la baignade. Sur les 15 km de plage proposés aux promoteurs, 10 km ne semblent pas leur convenir à cause de cette souillure.
Cette situation permet d’envisager les hypothèses suivantes :
Ø L’Etat du Cameroun accepte la demande des promoteurs en portant la longueur de la plage à 21 ou 27 km au lieu des 15 km actuels : cela épargnerait les villages Malimba et permettrait de relancer le projet.
Ø L’Etat revoit la délimitation du site en partant de Souellaba vers Yoyo : cela réglerait le problème des alluvions et épargnerait les villages Malimba, lle campement de Mbiako et peut être Yoyo.
Ø L’Etat et les promoteurs reviennent aux options de base (6000 ha) : cela épargnerait les villages Malimba et le projet serait redimensionné en conséquence.
Ø Les promoteurs renoncent au projet : ce serait des espoirs envolés.
LA VOCATION TOURISTIQUE DE MALIMBA N’EST PLUS UN SECRET.
QUEL QUE SOIT LE CAS DE FIGURE, LES MALIMBA DOIVENT, A DEFAUT DE S’APPROPRIER LEUR ESPACE, S’INSERER DANS SON AMENAGEMENT ET SON DEVENIR.
CONTRASTES ET RISQUES DE DEPEUPLEMENT
Tout le long de la Basse Sanaga, les populations de la rive droite sont mieux desservies que celles de la rive gauche (route, eau potable, électricité, centre de santé, écoles primaires, lycées, etc…). Malgré de nombreux départs dûs aux conditions de vie difficiles, certains de nos parents avaient pu résister à l’exode en s’accrochant à leur terroir.
Ils étaient tous logés à la même enseigne de part et d’autre du fleuve qui était le seul moyen d’accès commun. Les Malimba, mieux que les populations de l’amont avaient su résister et conserver leur cohésion grâce à la similitude de leurs problèmes.
L’arrivée de la route sur la rive droite qui sera suivie d’autres projets est la bienvenue. Son revers sera la rupture de cet équilibre et la création, comme cela s’est vu partout ailleurs, des disparités criardes qui entraîneront fatalement le dépeuplement de la rive gauche.
Parmi les projets en cours ou à venir,
Route Mouanko - Malmbenguè
Le projet initial prévoyait la réalisation de 16 km de route en terre et un ouvrage de franchissement du cours d’eau « Manyè ». Il devait permettre une boucle sur la route Mouanko Océan (Yoyo) de manière à desservir en permanence les villages de la rive droite que sont Bolounga, Moulongo et Eoumba. Malheureusement, seuls 8 km ont été mal réalisés à cause de ceux qui rament toujours à contre courant. Nous ne désespérons pas d’obtenir ne fut ce que la construction de l’ouvrage de franchissement en espérant la continuité du projet dans l’avenir. A moins que les disciples du blocage n’interviennent à nouveau.
Electrification
Une ligne électrique monophasée a été construite en deux tranches par le Ministère de l’Eau et de l’Energie. Elle devait permettre de raccorder les villages de la rive droite au réseau électrique de Mouanko. Mais l’énergie thermique produite à Mouanko est insuffisante en qualité et en quantité. Elle ne satisfait déjà pas ni les besoins de la population locale ni les exigences de rentabilité du concessionnaire.
Le projet en cours qui est très avancé en études vise à raccorder Malimba et Mouanko à la ligne Haute Tension à Mbongo à travers une ligne Moyenne Tension en triphasé à construire.
Il y a de très bonnes raisons de croire que cette réalisation sera effective au cours du premier trimestre de 2012. Il ne nous reste plus qu’à suivre.
QUELLES CONSEQUENCES ?
Les villages de la rive droite connaîtront à partir de l’année 2012 un accroissement de leur population qui gagnera en importance au fil des années. A cause de l’absence de la route et de l’électricité, certaines populations partiront de la rive gauche vers la rive droite, soit de leur fait, soit par les liens de mariage. Le cheminement inverse sera rare, voire exceptionnel.
Les potentialités de Malimba (pêche, agriculture, tourisme) attireront des populations d’autres contrées.
Au regard de ce mouvement inévitable et irréversible en l’état actuel des choses, le défi qui nous attend est :
COMMENT ORGANISER ET STRUCTURER NOS VILLAGES EN PREVISION DE L’ARRIVEE INELUCTABLE DE CES POUPULATIONS, COMMENT GERER CETTE NOUVELLE MIGRATION ?
Marcelin NDOUMBE
Nya Mulimba