Quinze ans après son érection en commune urbaine d’arrondissement, Le sixième arrondissement de Douala ploie sous le poids de l’enclavement et du délaissement. Sous l’emprise d’une forte immigration et de la paupérisation, les populations nourrissent l’espoir des lendemains meilleurs. Port de pêche artisanal de Youpwè ce 13 avril 2011, la canicule qu’il fait en cette mi-journée n’émousse pas les ardeurs des populations autour de l’embarcadère de fortune. Le long de la rive, les vendeuses de poissons frais appâtent les derniers clients.
Non loin de là, les commerçants du marché essayent de saisir les dernières opportunités de la journée. C’est que le débarcadère connaît son apothéose aux premières heures de la matinée. Pêcheurs et autres commerçants en provenance de la côte ouest-africaine y débarque à partir de deux heures du matin, tandis que les pêcheurs offrent les produits de leur labeur sur la côte atlantique, aux portes du Wouri. Sur le débarcadère, les navigants et leurs assistants s’attèlent à “ parquer ” les passagers à destination du sixième arrondissement de Douala et de certains pays de l’Afrique de l’Ouest.
La Côted’Ivoire au menu
“ Hou na go ” (c’est le départ, en pidgin local). Après quelques atermoiements, l’embarcation laisse vrombir son moteur et affronte le fleuve Wouri. Plus loin, le pilote engage l’entrée de la crique. Tâche quelque peu laborieuse pour cette embarcation qui fait trente mètres, à en croire l’un des copilotes. Avec une centaine de passagers, des sacs de glace, des casiers de boissons et autres produits manufacturés, le conducteur engage le couloir fluvial reliant le Wouri à la mer. Pour oublier le flot maritime et la peur que suscite l’immensité de l’eau, les conversations vont bon train. D’abord un avertissement d’un copilote à l’endroit d’un passager. “ Nous allons commencer à vous arrêter. Comment des gens peuvent voyager sans carte d’identité ? ” Un épisode vite absorbé par l’actualité brûlante.
Déboisement
“ Vous croyez que vous avez tué Gbagbo ? Il est un grand Africain. ” Pour d’autres “ il est caché ici à Manoka. ” Rapidement, les arguments embrasent la passion. Jusqu'à la “ sentence ” du pilote : “ Tous ceux qui supportent Ouattara dans cette embarcation vont mourir demain. ” L’intermède qui s’en suit permet aux passagers d’admirer le paysage le long du couloir fluvial. Des bandes de singes au bord de l’eau, le mouvement des poissons au-dessus de l’eau et le vol des oiseaux entretiennent l’atmosphère pendant quelques minutes. Jusqu’au moment où la Côte d’Ivoire s’invite à nouveau dans la conversation. Cette fois, un passager, visiblement irrité, déclame, “ c’est les Français qui sont allés combattre en Côte d’Ivoire ”.
C’est parce que Gbagbo n’est plus un bon élève de la France, croit savoir un autre passager. Une conversation qui tourne à l’engueulade entre les passagers au moment où l’un d’eux laisse entendre que “ c’est aujourd’hui que Gbagbo veut défendre l’Afrique ? ” Le paysage déboisé par l’abattage “ sauvage ” de la mangrove suscite peu d’attention. Seules les manœuvres laborieuses du pilote de l’embarcation attirent l’attention des passagers. Autre actualité, les vingt cinq mille emplois recrutements en cours laissent évoquer quelques souvenirs. A en croire un sexagénaire, “ même quand ce pays était bien, tout le monde n’a pas trouvéd’emploi.