EVENEMENT: Le frère Itutu Dalvin répond sans détours à la rédaction du blog. Malimba est en marche!
Bonjour frère Itutu. Nous sommes contents de pouvoir compter sur votre disponibilité à nous répondre sur les questions malimba de l'heure...
Bonjour cher frère, merci pour le privilège que tu m’accordes. Et c’est un devoir que de répondre à toute interpellation favorable à un éclairage qui pourrait apporter une contribution à la la situation actuelle et à venir de notre communauté. Merci une fois de plus.
Votre voyage en terres malimba a suscité des réactions diverses et variées qu'est ce que cela vous inspire?
En premier lieu, la diversité ou la variété des réactions ayant accompagné mon voyage à Malimba est le témoignage de ce que notre peuple se définit par une pluralité d’opinions, au sujet des questions qui interpellent chacun de nous. Autrement dit, cela signifie que nous sommes un peuple chez qui le débat critique à une certaine valeur, au- delà des épanchements regrettables qui finissent souvent par le déterminer.
Deuxièmement, et en rapport avec ce qui précède, tout le monde ne peut apprécier une situation de la même manière. Face à une situation chacun n’y va que selon sa sensibilité, les objectifs qu’il poursuit. Il est donc normal que les réactions des uns et des autres soient opposés. Mais ce n'est pas là, la chose la plus importante. Si de ces oppositions de points de vue sur une question bien précise, des solutions pratiques peuvent naître, alors c’est un fait appréciable.
Je pense plutôt que, de ces réactions, nos frères et sœurs manifestent leur intérêt pour tout ce qui concerne notre communauté, chacun selon ses motivations. Disons que, cette attitude suscite en moi une grande joie mais en même temps, de profondes inquiétudes. Comment pourrions- nous parvenir à la réalisation d’une plate- forme à partir de laquelle nos réactions pourraient avoir une orientation porteuse de progrès ? Il me semble que l’idéal premier pour atteindre cette fin consisterait, pour chacun de nous, à accepter de cohabiter avec la différence. Ce qui permettrait par la suite, de nous réunir et de travailler ensemble, malgré nos différences, de confronter loyalement nos idées, d’agir dans la même direction pour et uniquement, le bien notre communauté, les querelles individuelles n’ayant pour cette cause, point de place dans ce lieu commun et encore moins, pour cet objectif d’ensemble. Cette équation semble compliquée mais peut être résolue. Dans nos différents lieux de travail par exemple, ne fonctionnons- nous pas avec des personnes toutes différentes ? Atteignons- nous des objectifs fixés par l’organigramme ? La réponse est affirmative à 90%.
Vous êtes de ce point de vue, notre bouche et nos oreilles Quel a été l'accueil réservé aux festivaliers de la régate à Bolunga?
Les malimba sont un peuple qui fait corps avec l’hospitalité. Quiconque va au village est assuré d'un accueil chaleureux. J'ai toujours été bien accueilli par les miens et par les populations du village. Pour le festival, tous ceux qui y ont pris part ont été accueillis avec déférence. En ma connaissance, il n’y a pas eu d’écart de comportement. Une telle chose aurait inspiré mille et un développements. L’accueil était de bonne facture c’est- à- dire, à la taille des invités. ne dit-on pas "Mwen’a ndodo a hibèhènè mulema. Un convive aimé apaise le cœur."
Comment pouvez-vous résumer en quelques mots la ferveur du 31 mars 2012?
Nyùma-nyùma que dis-je "étùmbè-nkong". "Di’a tè da miango a di'a bohadi". Une grande fête a eu lieu à Bolunga. Elle devrait s'étendre sur toutes nos terres sur toutes nos eaux, pas seulement le temps d'un jour, mais tout au moins un week-end, afin de permettre à tous d'y prendre part et de partager ces moments de joie si rares pour nos populations. C’est l'un des événements qui doit grandir et faire grandir Mulimba. Mais au- delà de l’aspect festif, il faudrait envisager une approche qui devrait se distinguer par sa permanence tout au long de l’année de telle sorte que ceux des nôtres installés à Mulimba, puissent tirer profit de ce que les événements que nous organisons leur permettent de marquer des pas décisifs dans la vie. Je veux par exemple parler des formations ouvrières pratiques, des Groupements d’Initiative Commune, des Petites et Moyennes Entreprises, des cours d’appui gratuits pour nos jeunes apprenants installés à Mulimba…
Quelle est selon-vous l'origine du mal malimba?
Voilà une question bien compliquée. Plusieurs ont essayé d’y apporter une réponse. Je vais m’essayer à ce jeu périlleux compte tenu des avis qui m’ont précédé et des enjeux qui motivent les uns et les autres à prendre à- bras- le- corps, le problème Malimba.
Pour ma part, l’origine du mal est à situer à l’idée que nous nous faisons de cette terre ancestrale. Considérons- nous Malimba comme une propriété commune avec une assise culturelle inaliénable ou alors simplement, comme une entité sans véritable substance au point de pouvoir la manipuler selon nos intérêts particuliers ?
La considération que chacun de nous a de notre terre, influence sa façon de la traiter. Tout ce qui vient après ladite considération n’est que greffage et ne peut que produire des conséquences qui ne se démarquent pas de celle- ci.
Il s’avère donc nécessaire que chacun de nous se pose la question ci- après: quelle considération ai-je de ma communauté ? La réponse à celle- ci lui permettrait d’identifier clairement sa place et de penser le type de contribution à apporter soit pour sa prospérité soit pour son déclin. Mais comme l’agir positif l’emporte toujours, la réponse de chacun de nous, nous entraînerait à taire nos "égoïsmes" et à nous investir d'abord pour l’ascension de la communauté sans arrière- pensées, d'autant plus que les intérêts de la communauté sont au dessus des nôtres. Il faut aussi savoir pardonner et oublier les fautes des autres. Je crois que toutes les difficultés seront surmontées si nous agissons de la sorte.
Pouvez-vous nous dire trois enseignements que vous avez tirés de votre visite sur la terre de vos ancêtres ce jour là?
Mulimba mwe nde mô iwa o mbenje ipo e jedu.
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Si nous nous mettons ensemble nous pourrons déplacer les montagnes.
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Nous allons disparaître si nous ne faisons rien. Nous sommes convoités de tous les côtés.
Avez-vous des projets immédiats pour malimba?
Il y a fort à faire et chacun de nous peut apporter sa contribution. Puisqu'il n'y a pas de temps, nous devons racheter le peu nécessaire aux fins de penser des projets pour le développement de notre communauté, et nous investir pour les réaliser. Les moyens manqueraient- ils ? Des stratégies de production des capitaux peuvent être envisagées et les fonds générés, sécurisés pour une gestion profitable à la communauté.
L’idéal serait que chacun de nous, chaque famille mulimba, chaque association de Malimba se fixe un objectif chaque année pour le village, et s'attèle à le réaliser. Imaginons un seul instant que chaque famille mulimba installée à Douala se décide à aller se construire donc, occuper une maison au village et commence à s'y rendre chaque année, cela serait formidable. Pour les projets voilà quelques-uns.
Court terme:
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Recueillir de la sagesse ancestrale en langue Mulimba.
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Elaborer Un manuel d'apprentissage de la langue Malimba.
Pour ces projets, les travaux sont suffisamment avancés. Mais compte tenu de quelques aléas indépendants de ma volonté, il reste quelques petits efforts à fournir pour arriver au bout du parcours. Je m’investis vraiment pour cette cause
Moyen terme:
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Di Timbe o Mboa: organiser des voyages en terres Mulimba. Pour la découverte, pour ceux qui souffrent de la nostalgie de nos terres, pour susciter l'amour de nos villages dans le cœur de l'enfant mulimba.
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Mettre sur pied des unités d’apprentissage de la langue mulimba.
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Organiser des cours d’appui gratuits au bénéfice de nos jeunes gens en classe d’examen.
Les deux derniers projets de cette rubrique demandent également qu’un travail de fond soit fait au préalable. Il nous faudra par exemple une main d’œuvre de qualité et volontaire pour réaliser des résultats qui valorisent notre communauté, le matériel de travail, les salles de classe… En ce qui concerne la main d’œuvre, depuis un bon moment, j’ai déjà pu rencontrer quelques frères et sœurs malimba vraiment motivés à mettre la main dans la pâte. Pour les salles de classe, des négociations avec certains chefs d’établissement sont en cours ici à Douala. Il reste à élargir l’action pour l’implantation de telles structures dans tous les lieux où on rencontre les Malimba y compris au- delà de l’espace national. C’est un travail communautaire qui concerne tout le monde. On peut ne pas porter ITUTU que je suis, dans son cœur ou alors, toi MOUBOLEDI qui prends souvent des coups, mais si un projet d’intérêt commun existe, on peut travailler ensemble pas pour moi ou tel autre, mais uniquement, pour le bien de toute la communauté.
Long terme:
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Elaborer un Dictionnaire de la langue Mulimba.
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Produire un recueil des plantes et leurs vertus en Langue Mulimba.
Qu'est ce qui fait encore vivre la flamme de l'appartenance à Malimba chez certains?
On dit "mboa nye nde mboa, o ho dimbeya mboa" Je ne comprends pas que l'on puisse oublier qu'on est MULIMBA, c'est un privilège si grand. Un devoir auquel nul ne doit faillir.
Une sagesse ancestrale enseigne aussi que « mulongo tè mu bèn tina ». L’idée que l’on appartient à un peuple est plus forte que tout. En dehors de cela, la propension de plus en plus importante des uns et des autres, à voir notre peuple émerger est l’une des grandes motivations.
Avez-vous des nouvelles de notre association ilimbeilimbe ?
Ilimbeilimbe se porte bien, et tiendra son conseil supérieur dans les prochains jours, tel que l'a annoncé le délégué National il y a de cela quelques semaines. D’autres activités aussi diverses que variées et de grande importance, suivent leurs cours.
Quel rôle le blog peut-il jouer dans les jours prochains en faveur de malimba?
Susciter et entretenir la passion de Malimba dans le cœur de ses enfants.
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Créer, entretenir, renforcer les liens de fraternité entre Malimba
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Divulguer la culture et promouvoir le développement de Malimba.
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Promouvoir des débats directs en ligne (1H OU 2H par séance) sur des sujets concernant la vie de notre communauté.
Quel est votre message pour les malimba d'Italie?
J'aimerais féliciter tous les frères et sœurs et les remercier pour tout ce qu'ils font pour la communauté. Je veux aussi les encourager à continuer à œuvrer pour le bien de notre communauté.
Avez-vous une idée de l'association ou de la personne qui vous a proposé comme éligible pour le prix octroyé par la Fondation des Malimba d'Italie?
Non. D’ailleurs, c’est un frère cadet qui m’informe après publication dans le blog, de mon élection. Il y a eu à travers l’acte de ce jeune frère, un élan de fraternité qui s’est manifestée, le fait étant qu’avant cette période nous n’avons échangé qu’à travers nos boîtes email. J’ai vraiment expérimenté la force que dégage la conscience de l’appartenance identitaire.
L’assaut décisif de cette appartenance identitaire est mon élection par la Fondation des MALIMBA D’Italie. Etant à dix mille lieues de leur espace originel, ils en ont conscience et l’expriment par des actes fortement significatifs. De tels actes on en pleure de joie si l’on a une petite considération de sa communauté. C’est l’une des raisons m’ayant motivé à prendre part à la cérémonie de remise des prix. IL NE S’AGIT AVANT TOUT ET UNIQUEMENT QUE D’UN APPEL A LA VALORISATION DE CE QUE NOUS AVONS D’INALIENABLE, C’EST- A- DIRE NOTRE COMMUNAUTE, AU DELA DE NOTRE ORGUEIL PROPRE.
J'avoue qu'avant la publication des lauréats du octroyé par la Fondation des Malimba d'Italie, je n'avais entendu parler jusque là que de l'association Moulongo qui devint par la suite, Malimba Avenir le 24 mai 2006.
En réalité, Il faut se réjouir de voir se multiplier à travers le monde, des entités de regroupements d'enfants Malimba qui, malgré leur éloignement des terres ancestrales, n'ont cessé de porter au fond de leur cœur, l'amour de notre communauté. C'est en nous rassemblant que nous réaliserons des choses plus importantes. Ne dit-on pas "ébimbè ndé é tubi dôto"?
Comment se porte la langue malimba aujourd'hui?
Je me suis sérieusement inquiété lors de mon déplacement à Bolunga par le fait que la grande majorité sinon, la totalité des jeunes parents s'entretiennent avec leur progéniture en français. J’ai vu des enfants qui s'exprimaient uniquement en cette langue. Bien que quelques uns commencent à prendre conscience du fait que nous devons parler notre langue à nos enfants, beaucoup de travail reste à faire. Nous devons faire comme les autres : prier, et chanter en notre langue dans les maisons de culte. Sommes-nous obligés de le faire une autre langue. Nous devons aussi penser à mettre sur pied des cours d’initiation en notre langue. C’est l’un des projets que je souhaiterais vivement réaliser. Avant ces écoles, valorisons notre culture en parlant par exemple le Mulimba en présence de nos frère Duala, Pongo, Bakoko, Batanga...Tiens par exemple, mes parents se sont toujours entretenus en notre langue avec les "Bombedis" ; mes oncles à l’instar de Etondo Michalon, Papa Idalle , Ibon Laval, Manjombe Folabert, Edondè Richard, Enounga louis, Eboutè Samuel, mes Tantes Njai Eboutè, Enganjè et bien d'autres, ont entretenu notre langue sans aucun complexe). Je connais bien des fils Malimba qui le font aujourd'hui et les encourage. Nous devons faire vivre notre langue. Pour le moment, elle se porte mal et, si rien n'est fait, il nous faut d’ores et déjà dire que nous sommes perdus. Je ne veux pas entendre chose pareille. Ce n'est qu'à partir du moment où elle sera devenue populaire chez nous d’abord, que nous pourrons penser qu'elle commence à bien se porter.
Nous ne le dirons jamais assez: parlons le mulimba à nos enfants et laissons le soin à leurs enseignants de leur apprendre les langues étrangères. Cela n'affectera en rien leur performance à l'école.
Au nom de la rédaction, je vous remercie de votre temps accordé.
Merci pour tout.